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Essai DS E-Tense FE21 : dans la peau de Super Mario !
Une bête de course différente, oui, et déjà d’un point de vue design : la FE21 paraît tout droit issue d’un manga, avec des lignes et des angles qui semblent avoir été tranchés au katana. Bien que toutes les voitures du plateau soient identiques (sauf l’unité de puissance et le software, variables d’une écurie à l’autre), le dessin de l’auto colle parfaitement à des éléments de style que l’on a coutume de rencontrer… sur une DS de route, surtout au niveau de l’habitacle. C’est assurément le fait du hasard mais, pour le coup, celui-ci aura bien fait les choses. Of course, la comparaison s’arrête là. Car nul n’est besoin de dire qu’on est aux antipodes du confort douillet d’une DS9 ! Vu la largesse des pontons, l’aventure débute lorsqu’il s’agit de « monter » à bord. Il faut enjamber le halo pour poser un pied sur le fond du baquet, puis passer l’autre jambe, ce qui est plus vite dit que fait. Ensuite, il « suffit » de se laisser glisser dans l’étroit cockpit pour adopter une position similaire à celle de Thomas Pesquet aux commandes de Space-X…
La mystérieuse fonction MK
Une fois en place, le volant révèle un display suffisamment large pour y suivre une série sur Netflix, à ceci près qu’il n’y a pas d’images mais une multitude de chiffres alimentés par des capteurs positionnés un peu partout dans la voiture. Un bouton situé en haut à droite m’interpelle tout particulièrement. Les lettres MK y sont gravées. Mon casque étant relié à celui de l’ingénieur de course, je susurre à ce dernier un « à quoi ça sert ?» qui reflète à dessein mon statut d’absolu débutant...
Sa réponse me paraît loufoque, et pour cause : « C’est pour activer la fonction Mario Kart. » Ben voyons ! Voilà en plus qu’il se moque de moi ! En fait, non, cette référence au petit rital moustachu a du sens. Comme sur le jeu Nintendo, le pilote a droit à un surplus de puissance pour un laps de temps limité ; surplus qu’il obtient en traversant une zone désignée du circuit hors de la trajectoire. L’idéal pour doubler un adversaire. La fonction MK n’ayant pas été activée pour les essais du jour, je n’y aurai pas accès. Tant pis ou plutôt tant mieux… vous comprendrez pourquoi. « C’est bon, la voiture est prête à démarrer. Tu peux tirer sur la palette du volant, en bas à gauche. Tu verras apparaître le chiffre 1 sur le display » m’indique mon ingénieur-instructeur. Ah bon, elle est démarrée ? Pardon, allumée… Franchement, la sensation est extrêmement bizarre, pour ne pas dire déroutante. Vu la présence des écouteurs vissés sur mes oreilles et le casque qui me coupe du monde extérieur, c’est bien le silence qui se révèle étourdissant ! Amateurs d’engins où le ralenti est à 4.000 tours/min, sortez vos mouchoirs !
Quatre tours pour se faire plaisir
L’absence d’embrayage a du bon, ça me permet de quitter les stands sans… caler, comme c’est régulièrement le cas pour tout pilote du dimanche qui se pique de s’asseoir dans ce genre d’engin. En m’engageant sur la piste, je décide d’y aller très progressivement, il y va du respect du matériel. En effet, l’auto qu’on m’a gentiment confiée est celle qui sert à António Felix da Costa et Jean-Eric Vergne pour développer les deux voitures utilisées en E-Prix. Il faut dire aussi que les freins sont froids, à l’instar des pneus, lesquels n’ont pas pu être préchauffés, le règlement FE interdisant l’utilisation de couvertures chauffantes. Avec la progressivité d’un potentiomètre, la pédale d’accélérateur permet d’appeler la puissance au millimètre près. Tant mieux, car la température de l’asphalte n’a rien de printanière. Ce premier tour de piste me sert à repérer les trajectoires et les points de corde. Et très doucement, svp, puisque les disques en carbone sont encore aux abonnés absents et les Michelin rainurés n’ont pas eu le temps de produire le moindre grip, générant du coup un fort sous-virage. Mais quelques dizaines de degrés Celsius plus tard, je me dis qu’il va bien falloir y aller, d’autant que l’écurie ne nous a accordé que quatre tours (c’est déjà ça !) du circuit éphémère tracé sur l’aéroport de Temploux.
Mamma mia !
Avec l’E-Tense FE21 bien dans l’axe de la longue ligne droite, c’est « pedal to the metal » comme on dit outre-Atlantique… Quant au « mamma mia ! » que je lâche, il a un fort accent italien… celui de l’ami Mario ! Mamma mia parce que les indications de puissance lues dans le dossier de presse (250 kW ou 338 ch pour un poids minimum de 903 kg pilote compris) ne reflètent absolument pas le shoot phénoménal qu’on éprouve au volant. L’effet on/off d’une accélération pied au plancher vous scotche littéralement le cerveau au fond du casque, à tel point que les 2,8 sec annoncées pour le 0 à 100 paraissent largement sous-évaluées. En plus, rien ne vient perturber cette poussée, la boîte n’ayant qu’un seul rapport. Impressionnant ! Autre bonne nouvelle : voilà que le moteur - pardon, le groupe propulseur - se met à donner de la voix ! N’en déplaise aux nostalgiques du chant des pistons, le ou plutôt les bruits qui s’échappent d’une FE21 menée à une allure disons soutenue, se révèlent assez sympas. Bien sûr, cela fait un peu « chasseur de l’Empire galactique », mais c’est déjà mieux que ces sons stériles qu’on envoie dans les haut-parleurs des e-cars pour faire semblant…
Rideau
Une fois le mode d’emploi assimilé dans les grandes lignes, la Formula E vous laisse entrevoir un potentiel dont seul des pilotes chevronnés peuvent espérer extirper le dernier kilowatt. Le corps rivé dans la coque carbone signée Dallara, les sensations vous sont transmises one to one, sans le moindre filtre. Jouissif et, surtout, extrêmement efficace. Du coup, le drapeau à damier qu’on agite en bord de pistes à l’effet d’un couperet. Moi qui commençais à peine à m’amuser…