Strategie
Interview Charles Peugeot : « Démontrer notre crédibilité et notre compétitivité »
Que peut impulser comme transfert de technologies vers la voiture de « Monsieur Tout le Monde » une auto de course qu’on ne verra jamais sur la route ?
« Très concrètement, deux choses. D’abord, gagner sur une plateforme aussi spectaculaire que la Formule E démontre notre compétitivité et notre crédibilité. Puis, d’un point de vue technologie, nous associons notre pilote Jean-Eric Vergne au développement de la DS9 hybride en version 360 ch sur toutes les questions de récupération et de régénération d’énergie. « JVE » travaille avec nous pour voir comment adapter à un usage quotidien ce dispositif directement issu de la compétition. Il aide nos ingénieurs notamment au niveau du logiciel et des interfaces. »
Vous avez annoncé qu’en 2025, DS sera une marque 100% électrifiée. C’est quand même un sacré pari…
« Non, dans le contexte actuel et à la vitesse où tout se développe, c’est se positionner sur ce que sera l’automobile de demain. Regardez comment l’électrique a évolué ces trois ou quatre dernières années ! Stellantis va donc développer de nouvelles plateformes à partir de 2025-2026, lesquelles seront totalement électrifiées. »
Électrifiées ou totalement électriques ?
« Totalement électriques, du moins trois sur quatre : Stellantis A, puis Medium, puis Large - avec des autonomies de 500, 700 et 800 kilomètres. Nous aurons, pour Stellantis en Europe, un mix électrifié global de 35% en 2025 et de 70% en 2030, ce qui est assez remarquable. Nous utiliserons toute la force de frappe de l’ingénierie, de la R & D et de la fabrication au sein du groupe. »
Qu’en est-il de l’hydrogène ?…
« Nous avons récemment communiqué sur notre stratégie autour d’utilitaires fonctionnant à l’hydrogène. On associe souvent la pile à combustible à des véhicules lourds ou moyen-lourds. Aujourd’hui, nous commercialisons des VU légers électriques, mais nous pensons que l’hydrogène pourrait à terme devenir la solution la plus adaptée à ce type de transport. C’est différent lorsqu’on bascule sur les voitures particulières où l’équation poids/d’encombrement reste déterminante. Pour l’heure, nous pensons que l’électrique leur convient mieux. »
Et les carburants synthétiques ?
« Comme je suis ingénieur-motoriste, je suis pour, évidemment ! Mais il faut prendre en compte la demande du consommateur qui veut désormais savoir quelle est l’empreinte carbone d’un constructeur ou d’une voiture sur l’ensemble de la chaîne : d’où provient cette énergie, quelle est sa source, comment l’achemine-t-on jusqu’au véhicule ?… Si les carburants de synthèse arrivent à démontrer qu’ils sont compétitifs et crédibles sur le plan sociétal, ce sera une belle avancée. »
Il faudra aussi convaincre nos gouvernants ?
« Nous nous trouvons aujourd’hui dans un ‘chaos politique’ assez important. Les dirigeants des différents pays et la Commission européenne ont souhaité nous imposer directement des mix de motorisations électriques. En fin de compte, ils nous enlevé la possibilité de proposer nous-mêmes certaines solutions technologiques. Or, les constructeurs ont la volonté d’offrir des clés de mobilité réellement pertinentes et pleinement adaptées aux réalités de ce monde en pleine mutation. Il faut nous écouter… et c’est précisément la qualité du dialogue qui s’est dégradée ces dernières années. »